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Suicide au travail : nouveau risque psychosocial à la Réunion ?


Politique
Vendredi 15 Février 2013

Les tragiques évènements des dernières 48 heures relatifs aux suicides  sur les lieux de travail  mettent en évidence un malaise social et apportent un éclairage particulier sur les risques psycho-sociaux. Ces « risques » ou dysfonctionnements posent en filigrane des problèmes difficiles à gérer dans le cadre des relations de travail.


Suicide au travail : nouveau risque psychosocial à la Réunion ?
En effet,  ils se développent à la frontière entre la vie privée (psychisme individuel) et la sphère socio-productive (l’individu au travail et les conditions sociales du travail) et peuvent être au cœur de beaucoup de conflits. En d’autres termes, ils prennent naissance là où les comportements psychiques individuels les plus intimes entrent en symbiose avec les comportements sociaux les plus complexes : ceux des hommes au travail.

Ces risques psychosociaux font référence  à de nombreuses situations : stress, harcèlement moral, violence au travail, souffrance, suicide, dépression, troubles musculo-squelettiques et inaptitude au travail. Ainsi, anxiété ou dépression peuvent apparaître comme conséquences du stress, des violences au travail, des harcèlements ou d’un traumatisme. Le stress au travail constitue le premier risque psychosocial et demeure l’une des conséquences majeures sur la santé mentale des individus. Il peut engendrer l’usure mentale conduisant ainsi une aliénation au travail (Christophe DEJOURS).

Le suicide reste le deuxième risque psychosocial. Phénomène social  au carrefour d’un certain de variables complexes et hétérogènes, le suicide apparait comme la résultante d’une rupture sociale, sociétale et familiale.  

A ce titre, des observateurs relèvent que le taux de suicide en France qui avoisine les 5,5 % en 2010 chez les 55-85 ans, est parmi les plus élevés en France et les hommes représentant plus de 75 % des décès par suicide (notamment entre 45 et 54 ans). Sur le plan local, Les hommes réunionnais se suicident plus fréquemment que les hommes métropolitains avant 40 ans et ils se situent plutôt entre 50 et 55 ans.
 
Ces risques favorisent des conflits latents pouvant aboutir à des conflits ouverts caractérisés par des grèves, des blocages et dans le cas extrême, des suicides. Ces oppositions  d’intérêts qui  traversent aujourd’hui les entreprises publiques et/ou privées, entraînent une multiplication des points de vue et, finalement, une certaine confusion dans les responsabilités et les définitions causales.

Le repérage des causes reste essentiel à la compréhension de ces phénomènes complexes et multidimensionnels tels que le suicide ou l’accident volontaire (cf. le cas d’automutilation à la Mairie de Saint-Denis en novembre 2012).

Dès lors, quelles sont les causes explicatives ? La pluralité peut se décliner comme suit : manque de communication descendante de l’employeur vers le salarié et ascendante, du salarié vers l’employeur ; le style de management souvent jugé autoritaire voire arbitraire assimilé au style de « management par la terreur » ; la crise économique ou les délais de réalisation de plus en plus oppressants ; la pression exercée par la direction ; des objectifs difficilement conciliables ; la charge de travail pesante ; les conflits interpersonnels ; la mauvaise entente entre collègues : les « ladi, lafé » … autant de causes susceptibles de créer de la souffrance au travail.  

Dans la même lignée d’un questionnement, quels sont les indicateurs observables et mesurables ? Le taux d’absentéisme ; la démission ; le nombre de plaintes auprès de l’Inspection du travail ; le nombre de rapports de la médecine du travail sur le stress et sur le harcèlement moral ; le nombre d’arrêts maladies prolongés.

Beaucoup d’experts auditionnés ont souligné que les taux de rotation de la main d’œuvre (notamment des CDI), régulièrement observés par catégories socio-professionnelles, par type d’établissement et selon des secteurs d’activité, constitueraient des indicateurs indirects du « mal-être » au travail. Le nombre de suicide (le cas de France Télécom était très révélateur) ; le nombre d’accidents de travail … autant d’indicateurs quantifiables qui traduisent un dysfonctionnement social au sein des organisations.

Par ailleurs, pour les entreprises privées, un indicateur direct de cette souffrance au travail s’analyse au travers des contentieux prud’homaux. A ce titre, le harcèlement moral est en nette progression depuis  3 ans.

L’administration et les collectivités territoriales ne sont pas épargnées par le taux élevé des arrêts de travail pour harcèlement moral. A ce titre, il est effrayant de constater le nombre de cadres ou  d’agents de collectivités mis au placard sur simple décision politique. Il n’est pas rare d’observer que lors de changement d’un exécutif, les « chasses aux sorcières ou les règlements de comptes » arbitrent les relations de travail.

Le regard porté sur les modes de gouvernance politiques à caractère coercitifs apporte une première réponse sur la nature même  des souffrances au travail. Les exemples sont légions ! Combien d’agents exerçant au sein des collectivités  territoriales sont « placardés » parce qu’ils n’épousent pas l’idéologie politique ou les méthodes managériales du nouveau arrivant ?

Enfin, il serait intéressant de se pencher sur le sens des actions qui pourraient être entreprises pour prévenir, guérir ou réparer les risques psychosociaux (stress, dépression, suicide). Les propositions d’actions s’articulent autour des axes suivants :
-  Proposer une cellule au sein de la Direction du Travail ou de la Préfecture ou une cellule paritaire (syndicat, employeur, Etat, médecine du travail, inspecteur du travail, consultant) afin de construire un indicateur global tiré d’une enquête psychosociale évaluant simultanément les conditions sociales de travail et l’état psychologique des agents ou employés à la Réunion ;
-  Lancer des expériences pilotes dans la fonction publique et au sein des entreprises privées par des consultants dans le cadre des mesures préventives ;
- Recenser les suicides de salariés au travail et procéder à une analyse psychosociale de ces suicides ("autopsie psychologique") et de supprimer les obstacles ;
-  Lancer une campagne publique d’information sur le stress et la souffrance au travail ;
- Former les acteurs au sein de l’entreprise et renforcer leurs rôles (CHSCT, Délégués du Personnel ) ;
-  Créer un portail Internet pour l’information des entreprises et des salariés ; Organiser des conférences sur la souffrance au travail et les mesures préventives et curatives ;
- Recruter un psychologue du travail dans les entreprises de plus de 50 salariés à temps partagé avec d’autres entreprises.

Les réponses apportées à la question de la souffrance au travail doivent faire l’objet d’un consensus alternatif afin d’éviter que celle-ci continue de s’aggraver à la Réunion et conduisent les salariés à jusqu’au boutisme suicidaire. De l’idéal du bonheur humain aux réalités de l’enfer quotidien au travail, il n’y a qu’une passerelle à franchir.


Maitre de Conférences spécialisée en Gestion des  Ressources Humaines

Margaret Robert Mucy



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Les commentaires

1.Posté par mutuelle extraction de dent le 15/02/2013 17:39
Bonjour,
La souffrance au travail est la principale cause de dépression chez les hommes. Or, ils passent le 3/4 de leurs temps à travailler. Les responsables doivent penser à leur santé et bien être avant tout.

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